1. Donner des services en temps de crise : de la fierté à la peur au ventre
« Ma blonde est immunosupprimée et je ne veux pas la contaminer ». « Mon fils a une condition de santé fragile, j’ai peur pour lui ». « Je ne veux pas transmettre la COVID à mes usagers ». « Mes enfants sont en contact rapproché avec d’autres enfants dans un service de garde ». De l’anxiété, des craintes, de la peur, voilà ce que les membres ont d’abord communiqué à leur responsable de secteur. Ces derniers indiquent avoir écouté et compris : « Mon premier rôle dans ce temps de crise, c’est d’écouter, de valider ». Nous sommes devant l’inconnu. La peur est là, c’est normal. À côté de cette peur réside une autre émotion, la fierté. La société nous reconnaît plus que jamais, nous sommes les « anges gardiens ». Et il est beau de constater que les membres continuent de vouloir servir malgré leurs craintes. Ceci étant dit, nous apprenons que nous pouvons être conscrits comme en temps de guerre. C’est dur à réaliser.
2. Plutôt démissionner que d’être affecté dans un autre titre d’emploi
« Quand on est travailleur social, TES ou ergothérapeute dans un CLSC, on n’a pas la notion de mettre sa vie en danger… on n’est pas préparé pour gérer des maladies infectieuses ». Le travail de chacun de nous est important, mais dans l'ensemble de la société, on est à revoir la priorisation des services. Et dans une crise, tout ce qui n’est pas urgent peut être arrêté. Comme notre convention n’empêche pas de fermer un service, l’employeur a commencé à affecter des intervenants dans d’autres secteurs, dans le même titre d’emploi (essentiellement des éducateurs). À noter ici que votre syndicat a agi très rapidement pour faire respecter la notion de volontariat et d’ordre inverse d’ancienneté. L’étape suivante, c’est le délestage. L’employeur utilise l’arrêté ministériel pour suspendre certaines règles de la convention collective. C’est ce qui lui permet de réaffecter un membre, par exemple, vers certaines tâches de préposé aux bénéficiaires. Certains membres nous ont indiqué qu’ils préféreraient mettre fin à leur lien d’emploi plutôt que d’obtempérer. Ce n’est pas une réaction largement répandue, car rappelons-le, vous montrez en général que le désir de servir est profond et prédominant. Ceci étant dit, cette réaction témoigne de l’ampleur de l’incertitude et de la peur qui est ressentie.
3. La colère face à l’incohérence de l’employeur
« Les membres m’ont rapporté que le travail à distance leur avait été refusé alors qu’ils étaient capables de réaliser leurs fonctions à domicile, et ce, sans impact sur la qualité de la prestation du service qu’ils ont à offrir. Ils ont connaissance eux aussi de la conférence de M. Legault à 13 h et se demandent comment un CIUSSS qui relève directement du ministère de la Santé peut ne pas appliquer ce que le premier ministre demande. C’est une incohérence impossible à comprendre ». La clientèle a aussi réagi à cette incohérence : « Comment ça vous venez me voir à la maison!? ». Bien des usagers ont compris avant notre employeur la directive du gouvernement demandant de ne pas avoir de visite à la maison. Ce que nos membres nous disent, c’est que s’ils contractent le virus en effectuant un acte incontournable, ils l’accepteront. Inversement, ils sont frustrés de prendre des risques inutiles d’attraper ou de diffuser le virus. C’était le cas lorsqu’ils étaient contraints d’assister en grand groupe à des réunions. « Faire virer un bateau de plus de 17 000 employés, ce n’est pas comme une PME de 20 personnes ».
4. On a besoin d’avoir la bonne information
Nos membres ont souvent eu l’impression d’avoir des bribes d’information de leur gestionnaire. Il leur fallait trouver l’information ailleurs. Dans cette crise, le SPTSSS s’est tourné sur un dix cents pour continuer de donner les bons services aux membres. On a favorisé lorsque possible le télétravail le jour un, on a priorisé les dossiers urgents et on a répondu en premier aux questions sur la crise. Plusieurs membres ont salué la rapidité et la précision des réponses reçues. L’exécutif se réunit par téléphone 30 minutes une à deux fois par jour, dont les fins de semaine. Les responsables de secteur ont aussi leur appel conférence quotidien. Depuis le début de la crise, notre présidente parle tous les jours avec le PDG. Elle valide, questionne et rapporte toutes les incohérences reçues par les membres. On a transmis l’information aux membres par courriel, Facebook ainsi que sur notre site Internet.
Et tout n’est pas rose pour nos responsables de secteur. C’est à l’employeur d’expliquer ses décisions, de transmettre l’information. Or, quand une personne salariée ne comprend pas que si elle refuse de faire le travail, il s’expose à une gradation rapide des mesures disciplinaires, on n’a pas le choix, on doit le dire et on ne se fait pas d’amis.
5. « On a l’impression que le CIUSSS-CN utilise la pandémie pour régler la pénurie à la DPJ »
Depuis la signature de nos dispositions locales, l’ancienneté est reconnue partout dans le CIUSSS. Plusieurs de nos membres ont profité de cette nouvelle possibilité pour postuler ailleurs qu’à la DPJ et on assiste à une migration significative du personnel. Avant la pandémie, le CIUSSS a ouvert un nombre important de postes à la DPJ dans le but d’y attirer du personnel. Depuis l’éclosion de la crise de la COVID, d’autres moyens se sont ajoutés pour l’employeur. Il est ainsi possible de fermer des unités ne donnant pas de services essentiels et de déplacer le personnel à l’intérieur d’une direction et entre les directions. Le mot qui circule actuellement à la DPJ (et aussi au CRDI), c’est l’impression que l’employeur « utilise la pandémie pour régler la pénurie ». Il sera extrêmement important, dans ce contexte, de regarder comment se comportera l’employeur lorsque nous aurons aplani la courbe. Les droits individuels et collectifs sont longs à acquérir. Nous devons être extrêmement vigilants pour ne pas les perdre à la suite de cette crise.
6. L’arrêté ministériel prévoit la consultation des syndicats
Un arrêté ministériel en temps de crise est extrêmement sérieux. Celui-ci permet de suspendre certains droits individuels et collectifs (notre contrat de travail) pour forcer l’application de mesures permettant de juguler la crise. Pour préserver la paix sociale, le CIUSSS-CN et le gouvernement ont promis que les syndicats seraient consultés avant d’utiliser l’arrêté ministériel. Le libellé même de ce document indique que les syndicats doivent être consultés. Or, le vendredi 27 mars, notre présidente apprenait dans sa rencontre quotidienne avec le CIUSSS que des membres du SPTSSS seraient déplacés vers d’autres fonctions en rentrant au travail le lundi. Celle-ci a immédiatement rappelé le devoir de consultation et, pour s’y conformer, le PDG a ajouté deux rencontres durant la fin de semaine. La rectification du tir était importante. Nous nous attendons à une consultation en bonne et due forme dans la gestion de cet arrêté ministériel.
7. Les changements rapides dans les décisions
Vous avez probablement remarqué que cette infolettre contient peu d’informations précises à connaître ou à appliquer. La raison est simple, celles-ci changent extrêmement rapidement et seraient devenues caduques quelques jours plus tard. Nous vous invitons plutôt à suivre vos courriels, notre site Internet www.sptsss.com et notre page Facebook SPTSSS Capitale-Nationale pour connaître les informations importantes sur le plan syndical. L’objectif de cet InfoSPTSSS est de s’arrêter sur notre vécu en temps de crise en partant du point de vue des membres sur le terrain. Nous avons également mis l’accent sur le rôle pilier des responsables de secteur. Ceux-ci vous ont informés, écoutés, ont été des relais d’information précieux et ont même joué des rôles clés pour aider à travers les émotions vécues. Nous les remercions tous sans exception et n’hésitez pas à les contacter.
8. Message de notre présidente
J’ai la chance dans cette crise de travailler avec une équipe dévouée et à votre écoute. Nous sommes tous très sensibles à chacune des situations que vous nous rapportez, autant dans vos préoccupations relatives au travail que celles plus personnelles. Lorsque le gouvernement nous a demandé de renouveler nos conventions, il nous est apparu que cette question n’était pas centrale. Nous avons dénoncé cet empressement et avons demandé de prioriser le travail pour assurer votre santé et votre sécurité, le tout en reconduisant nos conditions, en offrant des primes à l’exposition à la COVID et en reprenant plus tard la négociation. Sachez que les recommandations, dont celles de l’INSPQ, évoluent très rapidement et que nous nous assurons que l’ensemble de la structure syndicale soit constamment au fait pour répondre à vos besoins. Vos histoires sont touchantes. Nous martelons également à l’employeur de protéger les personnes enceintes et immunosupprimées. Votre exécutif est fier de vous représenter. C’est dans une période de crise que l’on comprend que nos services sont essentiels. Nous veillons à vous protéger aujourd’hui et demain, à ce que vous soyez reconnus à votre juste valeur.